Plébiscité par les citadins comme la meilleure alternative aux transports en commun, le vélo à assistance électrique devient l’enjeu d’une course à l’innovation technologique, mais aussi industrielle.
«C’est en France que le véhicule propre de demain s’inventera et se produira», exhortait le président Macron le 26 mai dernier. Il parlait alors de l’industrie automobile, mais au même moment, dans toutes les grandes métropoles en phase de déconfinement, les édiles n’avaient d’attentions que pour le vélo, réponse évidente à la problématique de distanciation physique dans les transports. Alors que des kilomètres de pistes cyclables sont en train de se tracer sur les chaussées, le vélo à assistance électrique (VAE) se doit de participer à ce mouvement de «relocalisation de la valeur ajoutée».
Mais on part de très loin : les ventes de vélos électriques explosent (+12% en 2019, avec 388 100 unités), mais aucun ne peut se targuer d’être 100% français. Et cela malgré les taxes anti-dumping sur les vélos produits en Chine importés via différents pays d’Asie. Cette politique protectionniste a tout juste permis à quelques vélocipédistes européens de subsister, telle la Manufacture française du cycle (MFC), à Machecoul (Loire-Atlantique), à l’origine de la marque Gitane en 1928, réchappée d’une liquidation grâce à son rachat par Intersport en 2013.
MFC, Moustache, Easybike, Arcade… : quelques marques assemblent bien leurs vélos haut de gamme dans l’Hexagone, mais elles sont pourtant bien en mal d’y trouver tous leurs composants. Batteries, moteurs, transmissions, dérailleurs, jusqu’aux cadres… la majorité des pièces détachées viennent de Chine ou de Taïwan. «Ce qui ne veut pas dire que c’est de la mauvaise qualité, souligne Baptiste Fullen, cofondateur d’Eovolt. Au contraire, les plus grandes marques achètent leurs composants là-bas parce que ce sont les meilleurs.»
Les nouvelles perspectives ouvertes par la crise sont cependant en train de faire changer la donne. En région lyonnaise, plusieurs acteurs (entreprises, associations, collectivités, laboratoires R&D…) se regroupent autour du cluster «mobilité active et durable» (MAD), officiellement né le 11 juin. Sa vocation : mutualiser leurs actions pour développer des projets communs autour de la mobilité, en particulier du VAE. En investissant ensemble dans la production des composants, cet écosystème pourrait atteindre l’effet de volume nécessaire à la rentabilité. «Tout l’enjeu sera de réussir à fabriquer des vélos avec des composants français tout en gardant un coût bas», résume Baptiste Fullen.
En 2019, le marché du vélo électrique représente 679 millions d’euros, soit 45% des ventes totales de vélos en France, avec un prix moyen 1.749 euros.
Mad, la crème du vélo électrique
Pour les deux jeunes Normands Charles Hurtebize et Guillaume Adriansen à l’origine à l’origine de MAD (pour Made in France), rien n’est trop beau pour séduire les citadins récemment acquis à la cause de la petite reine, volontiers bobos, voire hipsters : selles et poignées en cuir de l’Anglais Brooks, dérailleur du Japonais Shimano, batterie semi-intégrée et moteur de l’Allemand BMZ, pneus à flancs crème et freins à disques hydrauliques des Américains WTB et Promax.
«Nous voulions un vélo français, mais nous avons dû faire preuve de pragmatisme, car la plupart des métiers autour de la fabrication de vélos n’existent plus à l’état industriel en France, raconte Guillaume Adriansen. La Manufacture française du cycle nous permet d’assembler nos vélos en France, faire cela au bout du monde n’a aucun sens.» Une campagne sur Ulule en 2018 a permis de commercialiser 500 vélos sur Internet, livraison à domicile, au prix compétitif de 1800 euros. Les deux associés, très imaginatifs, développent un réseau d’ambassadeurs et viennent d’ouvrir un show-room à Paris, uniquement pour tester les vélos.
Eovolt, encore plus nomade
Deux jeunes entrepreneurs sortis de l’école de commerce de Tours, Baptiste Fullen et Luca Chevalier, ont choisi, en créant Eovolt en 2018, un créneau bien précis : le vélo électrique pliant. Plié et déplié en à peine dix secondes, leur vélo poids plume (14 kilos) passe facilement du placard au métro et du coffre de voiture au voilier. Ses composants ne sont certes pas français, mais face à l’explosion des commandes depuis le confinement, Eovolt vient de quitter son atelier de Bourges pour une usine d’assemblage lyonnaise qui lui permettra d’assembler 25 000 vélos par an, cinq fois plus qu’avant, et de recruter 15 personnes supplémentaires. Etant donné son positionnement, Eovolt vise l’innovation pratique. Les cinq modèles actuels ont leur batterie dans la tige de selle, le moteur dans la roue arrière et un port USB sur le guidon.
«L’an prochain, nous assemblerons nos batteries nous-mêmes et nous allégerons encore le vélo de 2,5 kilos en passant sur un cadre carbone», dévoile Baptiste Fullen. Il prévoit d’intégrer des applications numériques, notamment le tracking GPS et les notifications à distance, mais toujours en option afin de maintenir une offre accessible. Elle se situe entre 1 200 et 1 700 euros.
Angell, le top du «smart bike»
La comparaison utilisée par Marc Simoncini et Jules Trecco est rebattue, mais parlante, car elle souligne le poids de l’électronique dans leur projet. «C’est le smart bike le plus sûr au monde», s’exaltent encore les deux fondateurs. De fait, bourré de capteurs et ultraconnecté, ce vélo peut être commandé et tracé via une application dédiée. Comme un iPhone, il soigne aussi son design, signé Ora Ito. Il pèse 14 kilos à peine, grâce à un cadre carbone et aluminium.
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