Nicolas Dupont-Aignan déplore le vote en première lecture d’un texte sur l’étiquetage des produits agro-alimentaires. Une proposition de loi qui inquiète également l’UFC-Que Choisir.

Bonjour,

Votre question porte sur une déclaration du président de Debout la France, invité hier sur le plateau de BFMTVSD. Selon Nicolas Dupont-Aignan, il faut «renégocier les traités européens»pour que la France «retrouve sa liberté». Et le candidat à la présidentielle de «donner un exemple très concret» «À l’Assemblée, la majorité a voté la suppression de l’étiquette made in France sur les briques de lait. Parce que ce n’est pas conforme à la législation européenne. C’est scandaleux. Quand on achète dans un supermarché du lait, on ne peut plus savoir s’il est produit par nos éleveurs.»

Nicolas Dupont-Aignan fait ici référence à la proposition de loi EGAlim 2, discutée fin juin, qui ambitionne notamment d’améliorer la rémunération des agriculteurs, en modifiant les relations commerciales entre les différents acteurs de la chaîne. Un texte qui n’a pas été voté par la seule majorité : il a été adopté à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale, le 24 juin dernier. Et il peut encore évoluer, puisqu’il sera examiné par le Sénat à la rentrée.

Origine géographique

Mais le président de Debout la France vise plus particulièrement l’article 4 de cette proposition de loi, déposée par le député LREM Grégory Besson-Moreau. Celui-ci entend limiter l’obligation d’indication du pays d’origine uniquement aux produits alimentaires pour lesquels il existe «un lien avéré entre certaines de leurs propriétés et leur origine». Un article visant à «assurer la compatibilité entre le droit français et le droit européen»comme l’explique le site Vie Publique.fr.

Pour bien comprendre l’enjeu, il faut remonter à 2016 : à l’époque, le gouvernement français a pris un décret rendant obligatoire l’indication de l’origine géographique de la viande et du lait sur les étiquettes (y compris lorsqu’ils sont employés en tant qu’ingrédients dans des aliments transformés). Et ce, pendant une période expérimentale, autorisée par la Commission européenne, et reconduite chaque année depuis 2018 à la demande des Etats membres.

Problème : dans la foulée du décret, le groupe Lactalis a demandé l’annulation de ce texte devant le Conseil d’Etat, jugeant qu’il était contraire au règlement européen sur le marché commun. Et le géant du lait a récemment obtenu gain de cause : «Après avoir interrogé la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), le Conseil d’État juge qu’il est illégal d’imposer l’étiquetage géographique du lait car il n’y a pas de lien avéré entre son origine et ses propriétés», indiquait finalement la cour suprême de l’ordre administratif, dans un communiqué accompagnant sa décision, en mars 2021.

Sécurité sanitaire

Le ministre de l’Agriculture avait alors fustigé la démarche de Lactalis : «C’est scandaleux. Qu’une entreprise française, un fleuron industriel, puisse aller devant la Cour de Justice de l’Union européenne demander que l’origine des produits ne soit plus indiquée sur les briques de lait, les bras m’en tombent ! C’est absolument aberrant.»

Pour tenter d’étendre la transparence malgré ce cadre, les députés ont adopté plusieurs amendements à la proposition de loi EGAlim 2, qui élargissent par exemple la «propriété» d’un aliment aux questions de sécurité sanitaire et de traçabilité. En d’autres termes, si l’on peut prouver que l’origine du produit a un lien avéré avec la sécurité sanitaire ou sa traçabilité, elle devrait figurer sur l’étiquette. Un autre amendement adopté prévoit l’interdiction de «faire figurer un drapeau français, une carte de France ou tout symbole représentatif de la France sur les emballages alimentaires» lorsque les ingrédients primaires ne sont pas d’origine française.

Mais cette proposition de loi représente tout de même un «grand danger sur la transparence demandée par les consommateurs» aux yeux d’Olivier Andrault, chargé de mission alimentation chez UFC-Que Choisir. Celui-ci souligne que les consommateurs sont fondés à savoir d’où viennent les ingrédients des produits industriels : «Il y a des différences entre les aliments en fonction des pays au sein de l’Union européenne. Mais surtout avec des pays hors Union européenne. Il faudra le prouver au cas par cas, plutôt que de simplement imposer la transparence. Et il n’y a pas que les questions sanitaires : certaines personnes veulent aussi contribuer à une économie plus locale», détaille-t-il à CheckNews.

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