En avril dernier, Sacrés Français a pu rencontrer Clémentine Colin Richard, héritière de la marque de chaussures françaises PARABOOT. Membre de la quatrième génération de la famille Richard Pontvert, l’Iséroise a repris le flambeau de la marque pour en continuer son extension. C’est avec le Made in France implanté dans son ADN que Clémentine Colin Richard a exprimé son attachement à son territoire, sa volonté de continuer à écrire l’histoire de PARABOOT et les différents challenges auxquels ils ont dû faire face depuis l’arrivée de la pandémie.
Vous pourrez trouver l’intégralité de notre échange ci-dessous :
Es-tu une sacrée française ?
Clémentine : Je crois par mon ADN. Je fais partie d’une famille qui est dans le bassin isérois depuis 1908, la famille Richard Pontvert. Alors vous ne la connaissez pas forcément la famille Richard Pontvert, vous connaissez plus la marque PARABOOT.
Peux-tu définir en 3 mots ce qu’est le Made in France ?
Clémentine : Je vais commencer par dire : mais pourquoi dit-on Made in France pour un fabriqué en France ? Il faut qu’on angliciste tout. C’est comme pour PARABOOT, on est 100% Sacré Français mais on dit PARABOOT encore un anglicisme. Si on revient à la question de départ, Made in France pour moi c’est surtout un savoir-faire, un territoire et de la fierté.
Est-ce facile de produire en France ?
Clémentine : On va dire oui, on va dire non… Oui parce qu’on a des super savoir-faire en France et dans beaucoup de secteurs. Non parce qu’on a plein de réglementations organisationnelles, administratives, législatives qui complexifient un peu les choses.
Pourquoi vouloir produire en France ?
Clémentine : Tout simplement parce que je suis née en France, ma famille est née en France et PARABOOT a son origine sur le sol français. Donc aujourd’hui, on ne se voit pas faire des chaussures PARABOOT made in ailleurs que France.
Quel est l’avantage pour les clients ?
Clémentine : Ça me fait penser à un slogan qui disait : “PARABOOT la semelle qui use la route” ou “La semelle contre les rhumatismes et les maux de dents”. Je dirais qu’il y a 2 avantages pour nos clients : à la fois l’environnement, il y a un côté durabilité et résistance et à la fois confort et bien-être, ce qui est quand même pas mal.
Créer une entreprise qui a comme engagement le fait en France, est-ce compliqué ?
Clémentine : Alors personnellement, je n’ai rien créé, j’ai hérité, je suis la 4ème génération d’une famille d’artisans qui sont devenus industriels dans la chaussure cousue main en Isère. Aujourd’hui, je suis plus là pour développer, m’assurer que l’on va rester Sacré Français, que l’on va rester en France. C’est un challenge de tous les jours, mais un challenge qu’on a relevé puisqu’on a décidé d’investir 10 millions d’euros dans une nouvelle usine, ce qui ne s’était pas fait depuis 35 ans en France.
Tu es un peu la gardienne de PARABOOT ?
Clémentine : Non, parce que je ne veux pas le poids des générations. C’est vrai que j’ai grandi avec l’adage : “La première génération crée, la deuxième génération prospère, la troisième génération bouffe la grenouille”. Mon papa était de la troisième génération, il s’est battu bec et ongles et a fait de PARABOOT le succès que l’on connaît aujourd’hui. On est les gardiens parce qu’on veut écrire des nouvelles pages d’histoire. On date la société de 1908, 113 ans cette année, on peut en écrire d’autres. Mais je ressens moins la pression en tant que quatrième génération et surtout on ne va pas la mettre à la cinquième.
Les coûts de production pour fabriquer en France sont-ils vraiment plus élevés ?
Clémentine : On ne va pas se le cacher, c’est un secret pour personne, fabriquer en France coûte plus cher. Mais il faut regarder si c’est vraiment un coût ou s’il y a aussi le bénéfice accroché au produit et moi je crois beaucoup en ça, on parle de rapport qualité prix.
Quel est le vrai avantage de la chaussure faite en France ?
Clémentine : L’avantage pour un consommateur d’acheter un produit fabriqué en France c’est déjà de savoir d’où il vient. Il sait ce qu’il rapporte à son pays, mais en même temps il y a surtout une question de longévité. Souvent on dit que PARABOOT c’est cher, qu’on ne peut pas forcément se le permettre.
Je suis d’accord avec vous, 400€ au départ il faut les mettre sur la table. Mais, j’ai eu cette chance de diriger pendant longtemps les boutiques PARABOOT et de rencontrer beaucoup de consommateurs qui sont finalement revenus nous voir en disant : “400€ et je les ai gardées 5 ans, 10 ans, 20 ans, 30 ans !” 400€ divisés par 10 on va dire 40€ par an, je vais rajouter quand même un ressemelage d’une centaine d’euros… bon on est à 50€ par an, je crois que je ne vous fais pas le calcul… CQFD !
Comment gérez-vous la crise liée au Covid ?
Clémentine : On essaie d’être agiles, on essaie de prévoir l’imprévisible puisqu’aujourd’hui de toute façon personne n’y arrive. De tenir nos stocks au plus juste, tout en pouvant répondre à la demande si demain tout repart et de faire attention à tout ce qui peut être économisé, de voir aussi les plans, les subventions, toute l’aide que peut nous apporter le Gouvernement parce qu’on a quand même cette chance en France d’avoir beaucoup d’aides.
A quelle échelle pouvez-vous produire vos produits ?
Clémentine : Produire en France, c’est le pari qu’on a fait il y a maintenant 4 ans, 4 ans qu’on est dans notre nouvelle usine. On a fait le pari de développer une usine qui soit capable d’abriter toute notre fabrication et quand je dis toute, c’est tous les produits Goodyear et tous les produits norvégiens de PARABOOT. On a même prévu une extension ! Demain on sera encore capables de plus s’organiser pour tout produire en France. Le challenge, c’est de trouver les gens et les former pour pouvoir fabriquer des chaussures.
Le fait en France impose-t-il des normes plus strictes que les autres pays ?
Clémentine : Oui ça demande de respecter un certain nombre de normes. Alors là où certains pourront le voir comme des obstacles, nous on va essayer de contrecarrer ça et dire qu’on ne nivelle pas par le bas ; donc tous ces obstacles sont là pour que nos travailleurs soient dans de meilleures conditions, mais aussi pour que le consommateur sache ce qu’il achète et qu’il soit protégé. Est-ce vraiment un obstacle ou plutôt un challenge à se dépasser ?
Ta grand-mère disait…
Clémentine : Les produits français peuvent être plus chers en moyenne, comme le disait Coluche « On les reconnaît à son prix ». Mais, comme le disait ma grand-mère : « Je ne suis pas assez riche pour acheter bon marché ».
Quelle est l’étape la plus dure dans le fait en France ?
Clémentine : Fabriquer en France c’est difficile pour moi, surtout dans l’industrie manufacturière parce qu’on a besoin de main d’œuvre. Aujourd’hui, le vrai challenge en France n’est pas l’investissement, l’argent on peut toujours en trouver, mais de trouver des hommes, des femmes qui veulent bien rejoindre nos industries et travailler avec nous.
Dans quel secteur le Made in France a-t-il le plus à progresser ?
Clémentine : Le Made in France à progresser dans la commande publique. Aujourd’hui, on entend beaucoup l’Etat se manifester, dire qu’il faut que l’on retrouve une certaine souveraineté, une certaine indépendance vis-à-vis des autres. Ça ne veut pas dire rester tout seul, on a besoin les uns des autres, mais de savoir-faire et à un moment donné d’être capables de reproduire pour nous-mêmes. Mais pour ça, il faut que le Gouvernement montre l’exemple et ça passe par la commande publique par exemple. Aujourd’hui, on a besoin d’équiper avec plein de choses, que ça soit les chaussures, les vêtements, les voitures, les ordinateurs ou autres. Et si on peut trouver sur le territoire français des industriels qu’ils le font, il faut travailler avec eux.
Dans quel secteur le Fait en France a été le plus rapidement mis en œuvre ?
Clémentine : Heureusement, on parle de difficultés sur le marché français ou pour le Made in France, mais ce ne sont pas que des difficultés. Beaucoup de grandes marques, surtout de luxe, rayonnent à travers le monde grâce aux Made in France, grâce au savoir-faire. Je n’oublierai pas la gastronomie, en particulier parce qu’aujourd’hui on est à Lyon, capitale de la gastronomie, et c’est vrai que bien manger correspond à tout le monde. Je dirais ici et surtout en période de Covid, on s’en est bien rendu compte, mais aussi à travers le monde parce que manger à la française c’est un petit goût de “frenchie”.
“PARABOOT la semelle qui use la route” je la trouve géniale, faut la ressortir c’est impératif. Par contre, je n’ai toujours pas compris pourquoi “rhumatismes et maux de dents” ?
Clémentine : Parce que si tu es bien dans tes pompes, t’es bien sur tes pieds, t’es bien dans ton dos, t’es bien dans ta colonne, t’es bien jusque dans ta tête !
Lien site internet PARABOOT : https://www.paraboot.com/